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debout. Pendant une minute, il promena autour de lui ses yeux ardents comme ceux du tigre cerné par les chasseurs. Loin de chercher à dissimuler sa présence, l’Indien poussa de nouveau son cri de guerre, mais ce cri se confondit avec ceux qui déchiraient au dehors les échos de la plaine. Alors, profitant d’un moment de confusion pendant lequel les aventuriers, attaqués au dehors, laissaient presque libre la brèche ouverte dans l’enceinte du camp, l’Apache la fit franchir à son cheval et se trouva parmi les siens.

Pedro Diaz, seul peut-être dans le camp, avait aperçu l’Indien qui, échappé au massacre des siens, s’était élancé hors des retranchements. C’était une proie qu’il regrettait, et l’implacable ennemi des Indiens avait coutume de ne pas se consumer en regrets stériles.

L’aventurier s’était élancé sur le cheval de bataille qu’il tenait de la munificence de don Augustin Pena. À sa main gauche était suspendue par la dragonne une longue et large épée de Tolède, avec la fière devise espagnole :

No me saques sin razon,
No me envaines sin honor[1],


et dont la lame était rougie de sang. De sa main droite étendue au-dessus de ses yeux, il se faisait comme un abat-jour contre la lumière du feu et jetait devant lui un regard qui essayait de percer l’obscurité lointaine. Tout d’un coup, il aperçut, à l’extrémité de la zone lumineuse que projetaient encore les foyers près de s’éteindre, un cavalier indien.

C’était l’homme que cherchait Diaz. L’Indien faisait décrire avec fureur à son cheval mille évolutions diverses, en poussant des hurlements de défi. L’aventurier se rappela cette phrase de l’hacendero à propos du che-

  1. Ne me tire pas sans juste cause,
    Ne me rengaine pas sans honneur.