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les ténèbres sans qu’il fût possible de calculer leur nombre dans les intermittences de lumière et d’obscurité.

Cependant un des points des retranchements avait fléchi sous des attaques sans cesse renouvelées. Morts ou blessés les défenseurs de cet endroit de la ligne de chariots avaient cédé à des ennemis qui semblaient à chaque instant sortir de terre plus nombreux et plus acharnés. Ce fut un instant d’horrible confusion, un pêle-mêle de corps entrelacés que dominaient les panaches des guerriers indiens et que fendaient les poitrails de leurs chevaux. Bientôt, comme le flot qui se rejoint après s’être séparé, la ligne des aventuriers, un instant enfoncée, se reforma sur un groupe d’Apaches qu’on vit bondir au milieu du camp, semblables à des bêtes féroces.

Accourus du point qu’ils défendaient encore, Oroche, Baraja et Pedro Diaz se trouvèrent face à face avec leurs ennemis, sans que rien cette fois ne les séparât. Déchirés, souillés de sang et de poussière, les trois aventuriers venaient tenter un dernier effort.

Au milieu du groupe d’indiens dont la lance et le casse-tête tombaient indifféremment sur les chevaux, sur les mules effrayées et sur les hommes, un chef était reconnaissable à sa haute taille, à la peinture de sa figure, à la vigueur de ses coups.

C’était la seconde fois que le chef apache se rencontrait face à face avec les blancs depuis le commencement de cette campagne. Son nom leur était connu.

« Ici, Diaz, s’écria Baraja qui après la chute de Benito, l’avait abandonné sur le champ de bataille, où ses services lui étaient désormais inutiles, pour se joindre à Oroche et à Pedro Diaz, à nous le Chat-Pard. »

Au nom de Diaz, dont la renommée était venue jusqu’à lui, le chef indien chercha du regard celui qui le portait. Les yeux du guerrier sauvage semblaient lancer des flammes, et il ramenait en arrière sa lance prête à