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Il en était peu parmi les Mexicains qui n’eussent à venger quelque grief sur ces déprédateurs infatigables ; mais nul d’entre eux n’était animé à leur égard d’une haine semblable à celle de Pedro Diaz. La vue de ses ennemis produisait sur lui l’effet d’une banderole écarlate sur le taureau, et à leur aspect il semblait avoir peine à maîtriser l’ardeur de sa haine, et ne résister que difficilement à la tentation de se signaler par un de ces exploits qui avaient rendu son nom redoutable à leurs tribus.

Mais il était urgent de donner l’exemple de la discipline, et l’aventurier contint sa bouillante impatience. Le moment, du reste, n’était pas éloigné où les Indiens allaient attaquer. Cette fois du moins l’avantage de la position servait à compenser chez les Mexicains l’inégalité probable du nombre.

Après avoir assigné à chacun son poste derrière les chariots, don Estévan fit placer sur la hauteur qu’occupait naguère sa tente ceux de ses hommes dont les carabines avaient la plus longue portée, et dont le coup d’œil était le plus sûr. Les feux répandaient au loin assez d’éclat pour éclairer le but de leurs balles. Quant à lui, son poste était partout.

Cependant la vue perçante des Indiens et les rapports de ceux des leurs qui s’étaient le plus avancés les avaient sans doute instruits de la position des blancs, car un moment d’indécision sembla régner parmi eux après la démonstration faite dans le but d’effrayer leurs ennemis. Mais la trêve ne fut que de courte durée.

Après un intervalle de silence, cent bouches hurlèrent à la fois et firent entendre le cri de guerre avec d’effroyables intonations ; la terre trembla sous une avalanche de chevaux lancés à toute course, et au milieu d’une grêle de balles, de pierres et de flèches, le camp se trouva cerné de trois côtés par une multitude désordonnée de guerriers à la chevelure flottante. Ce-