Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce sont leurs batteurs d’estrade occupés à reconnaître notre campement. »

Sur la surface blanche du désert on pouvait voir en effet des formes équestres s’avancer, et disparaître à l’ombre des dunes de sable. Pedro Diaz consulta du regard don Estévan, puis il s’écria d’une voix qui retentit comme un signal de combat :

« Allumez les feux partout ; nous avons besoin de compter nos ennemis ! »

Quelques instants après ces paroles, une clarté rouge, presque aussi vive que celle du soleil, parut incendier tout le camp, et montra les aventuriers à leur poste, la carabine au poing, et les chevaux sellés et bridés, n’attendant plus que leurs cavaliers prêts à s’élancer sur leur dos, au cas où une sortie deviendrait nécessaire. Puis la tente de don Estévan s’affaissa sur ses piquets arrachés par Oroche. Un calme imposant avait succédé au tumulte.

Le désert était silencieux comme le camp. La lune n’éclairait plus les évolutions des rôdeurs indiens, tous avaient disparu, semblables à ces rêves sinistres que chasse le retour de la lumière. C’était ce morne silence précurseur de l’orage.

Ce calme, du reste, avait quelque chose d’effrayant. Il n’annonçait pas une de ces surprises dans lesquelles un ennemi inférieur en nombre dissimule sa faiblesse par l’impétuosité de son attaque, tout prêt à lâcher le pied si on lui résiste. C’était le répit avant le combat, accordé par des ennemis impitoyables qui se recueillent un instant pour engager plus sûrement une lutte à mort.

« Oui, fiez-vous-y, disait à Baraja le vieux Benito, et dans un quart d’heure d’ici vous allez entendre les hurlements de ces diables rouges retentir à vos oreilles comme les fanfares du jugement dernier. C’est moi qui vous le dis, quoique je connaisse peu les mœurs des Indiens.