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Oroche, qui semblait plus particulièrement chargé de la garde personnelle de don Estévan, s’était glissé à côté de Diaz.

Le rapport de Cuchillo fut bref : chargé d’aller reconnaître l’abord des lieux vers lesquels devait s’avancer l’expédition, il avait poussé sa reconnaissance au delà des limites que lui assignait la prudence…

Diaz l’interrompit.

« J’avais pris des précautions telles, dit-il, pour dérober notre marche aux Indiens à l’aide de fausses traces, je les avais si bien fourvoyés que vous avez dû quitter la ligne que vous suiviez pour aller de droite et de gauche.

— En effet, reprit le bandit, je me suis égaré, trompé par la monotonie de ces plaines sans fin où chaque colline ressemble à une autre.

— Chaque colline ressemble à une autre ! reprit ironiquement Diaz. Qu’un homme des villes s’y laisse tromper, je le conçois ; mais vous, la peur mettait donc un voile de brouillard sur vos yeux ?

— La peur ! répondit Cuchillo, je ne la connais pas plus que vous.

— Alors votre vue baisse, seigneur Cuchillo.

— Quoi qu’il en soit, continua ce dernier, je m’égarai, et, sans la colonne de fumée qui me guida, je n’aurais pu sans doute reconnaître ma route aussi promptement que je le fis : mais j’aperçus un parti d’indiens qui battait la campagne, et je dus faire un détour pour les éviter. C’est dans ce détour que je fus découvert par les rôdeurs, et je n’ai dû qu’à la vigueur de mon cheval l’avance que je viens de prendre sur eux. »

Comme il achevait ce rapport, pendant lequel don Estévan avait plus d’une fois froncé les sourcils, Oroche sortit de la tente, puis il rentra aussitôt.

« Les Indiens sont là-bas, dit-il. Voyez ces ombres noires qui parcourent la plaine ; la lune les éclaire au loin,