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posté selon l’ordre que le chef avait indiqué d’avance en cas d’attaque.

Les premiers qui interrogèrent Cuchillo furent le vieux pâtre d’abord, puis Baraja, dont cette campagne était le début, et qu’on a vu désagréablement affecté des récits et des sombres prédictions de son compagnon.

« À moins que ce ne soit vous qui ayez attiré les Indiens sur nos traces, dit l’ancien vaquero en lançant au bandit un regard de soupçon, comment ont-ils pu les découvrir ?

— C’est moi qui les ai attirés, en effet, dit imprudemment Cuchillo en descendant de cheval. J’aurais voulu vous voir poursuivi par une centaine de ces démons pour savoir si vous n’auriez pas comme moi galopé jusqu’au camp pour y chercher un asile.

— En pareil cas, reprit sévèrement Benito, un homme, pour sauver ses compagnons, ne fuit pas, et se laisse aussi plutôt arracher la peau du crâne que de les trahir. Je l’aurais fait, moi, ajouta-t-il simplement.

— Chacun son goût, dit Cuchillo ; mais je n’ai de compte à rendre qu’au chef et non pas à ses serviteurs.

— Oui, murmura le vieux domestique, il n’arrive que ce qui doit arriver, un lâche ou un traître ne peut faire que des lâchetés ou des perfidies.

— Les Apaches sont-ils nombreux ? demanda Baraja à son ancien ami, car, depuis leur querelle à l’hacienda, leurs rapports avaient été moins fréquents.

— Je n’ai pas eu le temps de les compter, reprit Cuchillo précipitamment. Tout ce que je puis dire, c’est qu’ils doivent être près d’ici. »

Et, sans plus s’arrêter, il traversa le camp et se dirigea du côté de don Estévan. Celui-ci, les premières et les plus importantes mesures une fois prises, attendait à la portière de sa tente que Cuchillo vînt lui rendre compte du résultat de son exploration et de l’imminence du danger.