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vertes de leur voile mystérieux de brouillards éternels. Dans cette couronne épaisse de vapeurs qui cachait tant d’or, la lune semblait plonger de longs rayons d’argent.

Si près du but de son expédition, si près qu’il pouvait pour ainsi dire étendre la main de sa tente aux Montagnes-Brumeuses, don Antonio de Mediana jetait à l’horizon un regard de tranquille orgueil.

Tous les obstacles étaient surmontés. La vigilance incessante des Indiens avait été trompée, grâce à ce même Diaz, instrument énergique, assoupli aux volontés du duc de l’Armada. Un immense trésor, vierge encore depuis le commencement du monde, n’attendait plus que les mains qui allaient avidement le fouiller.

« Voyez, dit l’Espagnol à Pedro Diaz, de ces brouillards là-bas vont surgir les éléments d’un nouveau royaume, et notre nom appartient désormais à l’histoire. Maintenant je n’ai plus qu’une crainte, c’est quelque perfidie de Cuchillo, et vous la partagerez comme moi lorsque vous saurez que c’est lui qui m’a vendu le secret que recèlent ces montagnes. »

Diaz considérait d’un air pensif l’immense plaine qui s’étendait sous leurs pieds. Il semblait considérer un point encore invisible dans l’éloignement.

« Ah ! dit-il, j’aperçois un cavalier qui s’approche au galop, c’est Gayferos ou Cuchillo.

— Plaise à Dieu que ce soit le dernier ! dit Arechiza en suivant de l’œil le cavalier qui s’avançait. C’est un coquin que j’aime mieux avoir à la portée de ma main que loin de ma vue.

— Je crois reconnaître son cheval gris, » répondit le Mexicain.

Au bout d’une minute, en effet, dans le cavalier qui accourait à toute bride, ils reconnurent Cuchillo à la clarté de la lune.

« Aux armes ! aux armes ! s’écria Cuchillo, voilà les Indiens ! »