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encore. L’indépendance n’est pour nous qu’un mot vide de sens, et nous n’avons que les charges d’une centralisation lointaine. »

Don Estévan, profitant de la disposition d’esprit de Diaz, lui dévoila le projet que nous l’avons déjà vu dévoiler au sénateur.

Passant ensuite des principes aux personnes, il nomma le roi don Carlos comme celui dont l’aventurier et ses amis devaient être les précurseurs.

« Un roi, le roi Charles Ier, soit ! reprit Diaz, mais nous aurons bien des obstacles à vaincre.

— Moins que vous ne pensez, répliqua l’Espagnol. En tout cas, l’or aplanira ces obstacles, ami Diaz. Demain, nous le récolterons à pleines mains, et nous pourrons ouvrir un chemin semé d’or à la royauté nouvelle, et payer largement les fondateurs, les gardiens d’un trône qui n’attendra plus qu’un roi. »

Ainsi, comme il l’avait promis à son maître, l’audacieux partisan ébauchait jusqu’au fond des déserts les fondements d’une dynastie future. Ce que l’influence aristocratique du sénateur pouvait et devait faire dans le congrès d’Arispe, l’influence subalterne d’un homme renommé par ses exploits devait l’obtenir de ses égaux. Le sommet et la base, l’Espagnol avait tout conquis. Sûr désormais d’arriver à son but, le grand seigneur foulait à ses pieds les obstacles intermédiaires.

Prêt à regagner l’endroit du camp où il devait dormir pour se reposer d’une longue marche et se préparer aux fatigues du lendemain, Diaz était sorti et allait prendre congé de don Estévan, qui l’avait accompagné hors de sa tente.

Au même moment où Benito et Baraja venaient de se coucher sur le sol pour dormir aussi, l’Espagnol et le Mexicain, du haut de l’éminence où ils se trouvaient, dominaient toute l’étendue de la plaine.

Les Montagnes-Brumeuses s’élevaient au loin cou-