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— Non, répondit simplement l’aventurier ; la cupidité ne m’eût pas fait braver les dangers que l’esprit de vengeance m’a fait rechercher. J’avais demandé au travail de mes bras ce que tant d’autres cherchent dans des voies plus faciles, mais moins sûres. Les Indiens ont ravagé mes champs, pillé mes troupeaux, égorgé mon père et mes frères ; moi seul ai pu échapper à leur fureur. Depuis ce temps, j’ai maudit l’ordre des choses qui ne sait pas protéger nos riches provinces ; j’ai fait aux Indiens une guerre acharnée, j’ai massacré un nombre triple des leurs, j’ai vendu les fils de ces chiens par douzaines ; c’est encore l’espoir de la vengeance qui m’a conduit ici, et non l’ambition ni la cupidité ; mais j’aime mon pays, et je ne voudrais de ces trésors que pour essayer une dernière représaille contre ce congrès lointain qui nous tyrannise et ne sait pas nous protéger !

— Bien, ami Diaz, bien, » s’écria l’Espagnol en tendant la main à l’aventurier. Celui-ci reprit avec véhémence :

« Fort de l’appui que cet or me prêterait, je ferais partager mes griefs à ces soixante hommes qui dorment là, sous votre œil. À notre retour, ce serait le torrent grossi dans son cours, et nous secouerions le joug d’une capitale qui ne sait à chaque instant que changer d’hommes et de principes. »

Don Estévan avait entrevu déjà-, dans des conversations précédentes avec Diaz, une haine sourde contre le système fédéral ; mais jamais jusqu’alors ses rancunes ne s’étaient fait si clairement connaître. Il voulut savoir si elles ne se fondaient que sur des motifs personnels, semblables à ceux qu’il venait d’exposer.

« Le congrès est bien loin de vous, dit-il avec une bonhomie feinte ; le gouvernement de Mexico manque des troupes et de l’argent nécessaires pour protéger des provinces aussi lointaines que les vôtres. C’est là, sans doute, le plus grave reproche que vous avez à lui faire ?

— Le seul reproche ! plût à Dieu ! Il y en a d’autres