Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE XXVI

DON ESTÉVAN SE CONFIE À DIAZ.


Ce soir-là, comme d’habitude, don Estévan de Arechiza veillait dans sa tente pendant que ses gens se reposaient.

À la lueur d’une chandelle fumeuse, l’Espagnol, malgré la modeste apparence de son habitation de toile, et sous des vêtements couverts de poussière, semblait n’avoir rien perdu de la dignité de son maintien et du grand air de sa personne. Son teint, plus hâlé qu’au moment où nous l’avons vu pour la première fois, prêtait à sa physionomie un caractère encore plus énergique.

Il paraissait aussi pensif que lorsqu’il était descendu de cheval, mais ses méditations n’avaient plus le même caractère soucieux. À la veille, après mille dangers, de commencer à réaliser ses vastes desseins, don Antonio de Mediana avait fini par secouer, momentanément du moins, l’abattement que les événements antérieurs à ce jour avaient fait naître chez lui. Son âme s’était retrempée dans l’espoir d’un succès désormais impossible.

Il avait soulevé le pan de toile qui servait de portière à sa tente pour jeter un coup d’œil sur les hommes qui reposaient sous sa garde ; il semblait vouloir comparer ses moyens d’action avec le but qu’il poursuivait.

L’aspect de ces soixante hommes dévoués à son autorité éveilla cependant en lui un autre ordre d’idées.

« C’est ainsi, se disait l’Espagnol, qu’il y a vingt ans je commandais à un nombre à peu près égal de marins