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par rassurer Baraja, quand le vent du soir lui apporta encore quelques-unes de ces explosions lointaines qu’on avait entendues pendant le jour. Cette circonstance démentait les assertions de l’ancien vaquero relatives au supplice des prisonniers.

Baraja poussa du coude le vieux domestique.

« On tire encore par là-bas, » dit-il.

Le vaquero prêta l’oreille.

« C’est vrai. Mais si ce n’est pas signe que Cuchillo ou Gayferos servent de but aux carabines indiennes, je m’en réjouis et vous souhaite une bonne nuit. Dormez aussi, ami Baraja ; dans les déserts, le temps est précieux pour le sommeil, quoique à chaque minute on soit exposé à s’endormir pour l’éternité. »

Après cet effrayant aphorisme, le vieux vaquero avait ramené son manteau de laine sur ses yeux pour les préserver des rayons mortels de la lune, quand les ronflements sourds des mules de charge lui firent de nouveau lever la tête.

« Ah ! dit-il, les démons rouges rôdent non loin d’ici. »

Un hennissement qui s’éleva du fond de la plaine, accompagné d’un cri d’alarme, se fit entendre au loin, en même temps qu’un cavalier accourait à toute bride.

Et, comme pour dernier signal du danger, l’instinct fit taire les animaux ; à leurs ronflements sourds succéda un frisson de terreur que le vent du soir semblait leur apporter de la prairie de l’ouest.

« C’est Cuchillo ! » s’écria le vaquero à l’aspect du cavalier qui avançait au galop ; puis il ajouta tout bas, de manière que Baraja seul l’entendît :

« Que le voyageur prenne garde quand le feu follet danse dans la plaine ! »