Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire que les Indiens ne sont plus loin. Comme à l’odeur du jaguar, les animaux domestiques frissonnent à l’odeur seule des Indiens. Ils reconnaissent en eux des maîtres, car, on ne peut le nier, ces démons seuls ont conservé le sauvage et majestueux aspect des rois de la création.

— Caramba ! dit Baraja, allez-vous entonner les louanges des Indiens comme celles des tigres ?

— Pourquoi pas ? Je rends au besoin justice à mes ennemis. Mais rassurez-vous, les mules se sont remises à manger, et le cheval de Diaz semble s’être alarmé à tort. Jetons un coup d’œil autour du camp. »

En disant ces mots, Benito se leva, suivi de Baraja, que ces récits effrayaient et fascinaient à la fois ; il se glissa sous les chariots pour consulter l’immensité silencieuse qui les environnait. Mais rien n’était de nature à faire pressentir l’approche d’un danger.

Un des cavaliers mis en sentinelle vint à passer, son mousquet au bras.

« N’avez-vous rien vu, rien entendu ? demanda l’ex-hacendero.

— Je n’ai rien vu, repartit la sentinelle. J’ai cru seulement entendre un hennissement de cheval sortir de l’un de ces petits vallons que vous voyez là-bas ; mais je me serai trompé sans doute. Malgré tout, je suis étonné que ni Cuchillo ni Gayferos ne reviennent. »

En achevant ces mots, le cavalier reprit sa promenade, et les deux causeurs vinrent se rasseoir à la place qu’ils occupaient.

« C’est une imprudence, reprit Benito, au milieu de toutes les précautions que don Estévan de Arechiza n’a cessé de prendre, d’avoir entretenu cette colonne de fumée toute l’après-midi, et maintenant encore. Par un ciel serein comme celui-ci, c’est une indication qui se voit de loin.

— J’en conviens, reprit Baraja ; mais vous savez que