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Sur le mamelon qui dominait tout le camp s’élevait, comme nous l’avons dit, la tente du chef de l’expédition surmontée de.sa bannière. Une faible clarté, qu’on voyait en dedans, indiquait que le chef veillait pour tous. Quelques feux, dont les foyers creusés en terre, ou entourés de pierres pour cacher la lueur des braises dont l’éclat eût pu trahir l’emplacement du camp, répandaient à fleur de sol une réverbération rougeâtre.

En cas d’attaque nocturne, des monceaux de fascines, élevés de distance en distance, pouvaient être allumés à la fois et répandre une clarté suffisante pour remplacer le jour. Des groupes d’aventuriers couchés, d’autres occupés à préparer le repas du soir, se mêlaient aux chevaux et aux bêtes de somme qui broyaient leur ration de maïs dans des auges de toile. L’insouciance et la résolution qu’à la clarté de la lune on lisait sur le visage bronzé des hommes, prouvaient qu’ils s’en rapportaient pleinement du soin de leur défense à la vigilance du chef qu’ils avaient choisi.

Au pied de la tente, un homme était insoucieusement couché comme un dogue qui veille auprès de son maître. À ses longs cheveux, à la guitare qui reposait près de sa carabine, aux débris de manteau dont il se drapait, il était facile de reconnaître le gambusino Oroche. Son temps semblait partagé entre la contemplation d’un ciel étincelant d’étoiles et le soin d’entretenir au pied du monticule un feu de branchages verts dont la fumée s’élevait en une colonne verticale argentée par la lune.

Au delà des retranchements ses rayons blanchissaient au loin la plaine, et la brume, irisée par leur reflet, couvrait à l’ouest du camp les sommités d’une chaîne de montagnes qu’on voyait à l’horizon. Enfin, derrière les chariots, ils éclairaient les sentinelles qui se promenaient, la carabine au bras et l’œil aux aguets.