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enfin une fusillade bien nourrie. Un moment Cuchillo eut froid au cœur ; il s’imagina qu’un second et nombreux parti de blancs, indépendant de l’expédition qu’il guidait, allait s’emparer des trésors, objet de sa convoitise. Puis encore il craignit que don Antonio n’eût envoyé un détachement, pris dans sa propre troupe, pour s’emparer du val d’Or, et s’y fortifier.

Mais le raisonnement lui démontra bien vite le peu de fondement de ses craintes. Un parti de blancs aurait laissé des traces visibles à ses yeux depuis deux jours qu’il battait la campagne, et, en outre, il n’était pas probable que don Antonio eût osé affaiblir sa troupe en la divisant. Cuchillo reprit donc courage, et, couché derrière le pli de terrain qui le rendait invisible, ainsi que son cheval, il finit par conclure que les détonations devaient venir de quelque parti de chasseurs américains surpris dans le trajet de leur pays à la frontière mexicaine, et aux prises avec les Apaches.

Nous laisserons Cuchillo à ses méditations pour retourner, comme nous l’avons promis, au camp de don Antonio, et suivant l’ordre que nous avons établi en décrivant à vol d’aigle l’aspect du désert et la position des différents personnages qui l’animaient.

La fusillade s’était longtemps prolongée pendant le cours de cette après-midi, et on l’avait entendue dans le camp, où elle avait donné lieu à une foule de conjectures.

Le soir était venu. Des nuages rouges marquaient encore à l’occident la trace enflammée du soleil. La terre, à l’approche de la nuit, commençait à se rafraîchir, et, à mesure que les derniers reflets du couchant pâlissaient, le croissant de la lune devenait de plus en plus lumineux, jusqu’au moment où l’absence du crépuscule permit à la clarté lunaire de remplacer brusquement la lumière du soleil.

C’était un spectacle pittoresque que celui du camp au clair de la lune.