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presque jamais qu’en nombre supérieur ; qu’avant qu’ils eussent décidé l’assaut du camp il s’écoulerait encore quelques heures, et que, satisfaits d’avoir retrouvé la trace de leurs ennemis, ceux qui le poursuivaient allaient tourner bride pour en reporter la nouvelle à leurs compagnons.

Il ne s’était pas trompé. Les hommes rouges ne tardèrent pas à rebrousser chemin vers le massif d’arbres que leur troupe occupait.

Enchanté du succès de sa ruse, le bandit, après avoir vu disparaître les ennemis, se coucha derrière un pli de terrain, et prêta attentivement l’oreille, prêt à reprendre sa course quand ses sens exercés lui signaleraient le retour du danger. En ne regagnant son camp que quelques minutes avant l’engagement, il espérait aussi, au milieu du tumulte qui devait précéder le combat, échapper aux questions de don Antonio dont il redoutait la perspicacité.

« Nous serions demain soixante à partager ces trésors, se disait-il, si je n’avais fait en sorte qu’au point du jour le nombre en fût diminué d’un bon quart. Puis, tandis que ces brutes rouges et blanches se battront les unes contre les autres, moi… »

Une explosion lointaine, semblable à celle d’une carabine, vint brusquement interrompre les méditations de Cuchillo. Ce bruit, affaibli par la distance, semblait venir du côté du nord.

C’était en effet la direction de la rivière au milieu de laquelle s’élevait l’îlot occupé par Bois-Rosé et ses deux compagnons.

« Il est étrange qu’un pareil son vienne de là-bas, se dit Cuchillo en tournant son regard vers le nord, car le camp des blancs est à l’est, et celui des guerriers rouges à l’ouest. »

Une seconde explosion se fit entendre, puis une troisième, à un assez long intervalle, auxquelles succéda