Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saules qui la bordaient, il avait aperçu, au milieu d’une petite île, trois de leurs ennemis blancs.

Ces trois hommes, d’après le signalement de l’Indien, ne pouvaient être que le Canadien Bois-Rosé, Pepe l’Espagnol et Fabian de Mediana, devenu leur compagnon d’aventures. C’était, en effet, le trio d’amis qu’on ne retrouvera peut-être pas sans quelque satisfaction.

Nous avons laissé Bois-Rosé et Pepe le Dormeur, quinze jours avant ce moment, sur les bords du gouffre dans lequel le jeune Espagnol, surexcité par le récit que lui avait fait l’ex-miquelet de l’assassinat de sa mère et livré à l’aveugle impétuosité de sa fureur, avait manqué de trouver son tombeau. Heureusement la chute n’avait été mortelle que pour le cheval ; le cavalier, miraculeusement préservé, avait échappé au sort qui devait l’attendre au fond du Salto de Agua.

Les trois amis reprirent donc la poursuite que la chute de Fabian avait forcément suspendue ; mais obligés de suivre à pied la même route que leurs ennemis à cheval, Fabian et les deux chasseurs n’arrivèrent à Tubac que le jour même où l’expédition en était partie, c’est-à-dire qu’après avoir perdu un jour par suite de la chute de Fabian, ils n’en avaient mis que cinq pour faire environ soixante lieues.

Là il devenait plus facile de suivre la colonne d’aventuriers retardée dans sa marche par les chariots chargés de lourds bagages ; dix jours de route avaient donc conduit les trois intrépides compagnons au même point que l’expédition. Quoique forcés par le soin de leur sûreté de suivre un chemin différent de celui qu’elle avait pris, ils avaient rarement perdu de vue les feux de ses bivouacs depuis sa sortie du préside. Toutefois, entouré comme il l’était, don Antonio n’était pas une proie facile à saisir.

Quand le coureur indien, dont nous avons parlé, eut terminé son rapport, les guerriers apaches qui composaient le conseil délibérèrent de nouveau sur la résolution qu’ils