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son regard sembla frappé d’un double objet, car ses yeux se portèrent alternativement sur la colonne de fumée qui s’élevait du camp des aventuriers, et sur le bivouac des Indiens.

Mais les Indiens l’aperçurent aussi, car un long hurlement, comme celui de cent panthères, s’éleva vers le ciel, et le roi des oiseaux, effrayé de ce tumulte, se perdit bientôt comme un point noir au milieu des nuages.

Le bandit s’enfuit à toute bride vers la colonne de fumée, quand il vit les Indiens s’élancer à sa poursuite comme les loups affamés en chasse d’un daim.

Enfin, un peu plus loin, encore à l’horizon, et placé de manière à faire un triangle avec les deux camps rouge et blanc, un autre groupe d’hommes à peine visible à l’aigle lui-même se distinguait faiblement au milieu d’une légère brume. Cette vapeur était produite par les exhalaisons d’une assez large rivière dont les bords étaient ombragés d’arbres, et qui baignait dans son cours une espèce d’îlot de verdure touffue. C’était au milieu de cet îlot qu’étaient momentanément ces divers personnages. Mais étaient-ils deux, trois ou quatre, c’est ce que la brume empêchait de distinguer. Cependant ils ne devaient pas excéder ce dernier nombre.

Cette partie du désert, dont nous avons fait connaître les divers hôtes, se terminait à la rivière en question. Elle coulait de l’est à l’ouest, se divisait en deux branches, à une lieue plus à l’ouest que l’îlot, et formait un vaste delta auquel une chaîne de collines servait de limites ; mais un brouillard épais couvrait ces collines, et l’œil de Dieu eût pu seul pénétrer au delà de ce voile de vapeurs qui, à mesure que le soleil s’inclinait, offrait des teintes plus vives de violet et d’azur.

C’est dans ce delta, de plus d’une lieue carrée, à peu près à distance égale de la chaîne de collines et de la fourche formée par la rivière, que se trouve le val d’Or.