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habiter cette sauvage retraite, lorsque, vers le commencement de l’année 1808, le chef de la famille, le fils aîné du dernier comte du nom, vint y installer sa jeune femme et son enfant. Officier supérieur de l’armée espagnole, don Juan de Mediana avait choisi ce château comme un sûr asile pour sa femme, doña Luisa, qu’il aimait passionnément. Un autre motif avait aussi déterminé son choix : l’alcade d’Elanchovi était un ancien serviteur, et il comptait sur son dévouement à une famille qui l’avait élevé au rang qu’il occupait. Don Ramon Cohecho était le nom du premier magistrat d’Elanchovi.

À la veille d’une séparation exigée par les devoirs militaires, cette sévère résidence convenait aussi d’ailleurs aux premiers temps d’un mariage qui avait été célébré sous de tristes auspices. Le frère cadet de don Juan, don Antoine de Mediana, aimait, lui aussi, doña Luisa. Depuis que celle-ci avait déclaré nettement sa préférence, il avait quitté le pays, où on ne l’avait pas revu. Le bruit de sa mort avait même couru, mais rien n’était venu le confirmer.

Quoi qu’il en soit, don Juan ne resta à Elanchovi que peu de temps ; des ordres supérieurs le forcèrent à abréger son séjour dans le château de ses pères ; il partit, laissant sa femme aux soins spéciaux d’un vieux serviteur. Il partait pour ne plus revenir, car une balle française l’atteignit dans un des combats qui précédèrent la bataille de Burgos.

Aux joies troublées des premiers temps de son mariage succédèrent, pour doña Luisa, les tristesses d’un veuvage prématuré. C’est au mois de novembre 1808, au moment où le château d’Elanchovi était le sombre témoin de la douleur de la comtesse de Mediana, que commence cette histoire.

Isolé comme il est sur la côte de Biscaye, on pense bien que le port d’Elanchovi avait sa garnison de miquelets gardes-côtes. C’est alors une triste condition que la leur :