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« Ce cheval n’est pas facile à manier, cria Pepe en le suivant. Je suis certain qu’il ne suivra pas la ligne droite ; soyez sans crainte, nous arriverons peut-être aussitôt que lui ! Ah ! don Estévan, votre mauvaise étoile vous a conduit parmi ces bandits ! »

Cependant Fabian, comme ces cavaliers fantastiques des légendes que nul obstacle n’arrête, franchissait avec une effrayante rapidité les inégalités de terrains, les ravines, les troncs d’arbres que la vétusté avait abattus ; ses passions semblaient excitées à l’unisson de celles de sa monture. Pepe ne s’était pas trompé ; et nul doute que, malgré l’avance qu’ils avaient sur Fabian, ceux qu’il poursuivait n’eussent été promptement atteints, s’il eût pu à son gré diriger l’impétueux élan de son cheval.

Malheureusement ou peut être heureusement pour lui, l’animal encore indompté le faisait parfois dévier de sa route, et ce n’était qu’après de prodigieux efforts que le cavalier pouvait revenir à l’étroit sentier qui serpentait au milieu du bois et dans lequel la trace des cinq fugitifs était visible. Encore n’était-ce souvent qu’en deçà de la partie du chemin déjà parcourue que le cheval revenait subitement, faisant ainsi perdre au cavalier tout ce qu’il avait gagné de terrain dans la course précédente.

Cependant, après une heure de cette lutte acharnée, le cheval commença de sentir qu’il portait un maître et que ses forces s’épuisaient ; le caveçon, violemment tiré par la main vigoureuse du cavalier, comprimait ses naseaux, qui ne laissaient plus échapper qu’une haleine sifflante ; sa vitesse se ralentissait petit à petit, ses bonds devenaient moins saccadés ; enfin il finit par obéir à la main puissante qui le matait. Comme d’un commun accord, homme et cheval s’arrêtèrent pour reprendre haleine, la sueur ruisselait de leurs deux corps, et s’échappait des flancs de l’animal en tourbillons de vapeur.

Fabian profita de cette trêve pour s’orienter ; le brouillard qui voilait ses yeux commença à se dissiper,