Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bientôt, cependant, la voix de ce dernier s’éleva dans le silence profond qui venait de succéder à ces coups de feu successifs. Mais il y avait dans l’intonation de cette voix, au milieu de la forêt, quelque chose d’inquiet, dont s’augmenta la cruelle anxiété du Canadien.

« Revenez donc, pour Dieu, don Fabian ! criait l’ancien miquelet. À quoi bon quand on est… »

Une troisième détonation vint lui couper la parole, et, quand l’écho le plus lointain en eut répété le premier grondement, le vieux chasseur prêta vainement l’oreille.

Il semblait que le même coup venait de faire taire à jamais la voix de celui qui avait parlé, comme celle du jeune homme à qui cette voix s’adressait. Le profond silence, un instant troublé, s’était rétabli, majestueux, imposant, effrayant !

Seulement, l’oiseau-moqueur jeta tout d’un coup au milieu de ce silence une ironique et imparfaite imitation des paroles humaines, comme s’il eût voulu reproduire les derniers sons échappés à la bouche d’un mort, puis bientôt il fit entendre un chant doux et plaintif, semblable à un hymne funèbre.

Le Canadien continua sa course haletante pendant un instant, puis, au risque d’attirer sur lui quelque ennemi caché, il s’écria, d’une voix qui fit mugir l’écho de la forêt :

« Holà ! Pepe, où êtes-vous ? Êtes-vous…

— Ici ! droit devant vous, répondit la voix de Pepe ; nous sommes ici, don Fabian et moi. »

Une exclamation de bonheur s’échappa de sa bouche en apercevant de nouveau Fabian et Pepe, qui semblaient l’attendre.

« Le coquin doit être blessé, s’écria-t-il en accourant vers eux, car il a cherché inutilement à se retenir à une branche, et l’herbe portait l’empreinte de son corps ; avez-vous été plus heureux que moi, car votre carabine lui a dit aussi son mot ? »