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lâche qui fuyait, rechargea précipitamment sa carabine et lâcha le coup au jugé ; mais il était trop tard, et sa proie lui échappait.

Alors il imita par trois fois le glapissement du coyote pour avertir Pepe qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire, et se dirigea en soupirant vers l’endroit où il avait vu le cheval s’abaisser et se relever.

L’herbe y était foulée comme par la chute d’un corps pesant ; c’était là qu’avait dû tomber le cavalier, ainsi que l’indiquait une des branches d’un sumac qui pendait à la hauteur d’un homme à cheval ; les feuilles étaient froissées ou arrachées, comme si une main défaillante eût cherché à s’en faire un appui. Cependant nulle trace de sang ne tachait ni l’herbe ni les feuilles inférieures ; seulement une carabine avait été abandonnée dans la précipitation de la fuite. Bois-Rosé s’en empara.

« Mon pauvre Fabian, se dit-il, aura gagné à cela du moins une arme passable, car un couteau seul ne compte pas pour beaucoup dans les bois. »

Un peu consolé, par cette trouvaille, du mince succès de son expédition, Bois-Rosé s’achemina vers le bivouac. Chemin faisant, le bruit d’une arme à feu retentit de nouveau dans la forêt.

« C’est la carabine de Pepe, je la reconnais. Aura-t-il été plus heureux que moi ? »

Une nouvelle explosion se fit entendre. Cette fois, elle résonna douloureusement dans le cœur du Canadien ; ce son était étranger à son oreille. L’âme en proie à une cruelle incertitude sur le résultat de ce coup de feu, il reprit sa course précipitée vers le lieu de la halle nocturne.

Pendant que Bois-Rosé regagnait à pas de géant l’endroit où il comptait rencontrer Fabian et Pepe, une nouvelle explosion vint retentir à ses oreilles et ajouter à l’angoisse poignante qu’il éprouvait.

Cette fois encore ce n’était pas le son bien connu de la carabine de Pepe.