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votre conversation, et moi, qui ne suis pas étranger à cette histoire d’Elanchovi…

— D’Elanchovi ! s’écria le Canadien ; quoi ! vous sauriez ?

— Mais ce n’est pas le moment de faire du sentiment, reprit rapidement Pepe, nous reparlerons de cela plus tard, car c’est un secret que vous ne pourriez guère débrouiller sans moi. Ah ! c’est vous, à ce qu’il paraît, qui avez retrouvé le jeune comte ; cela suffit pour le moment. À présent, Bois-Rosé, en avant ! Allez droit du côté où l’explosion s’est fait entendre ; ce jeune homme et moi nous irons nous embusquer du côté opposé, car le coquin est peut-être en train maintenant de tourner notre bivouac, et alors il tombera dans votre embuscade. »

En disant ces mots, Pepe, la carabine à la main, et suivi de Tiburcio qui avait dégainé son couteau, s’élança d’un côté, tandis que le Canadien, courbant sa haute taille avec une adresse extrême, se coulait sous les branches les plus basses avec autant de rapidité que de silence dans la direction que Pepe lui avait indiquée.

Le bivouac fut donc momentanément abandonné à la garde du cheval capturé par le carabinier, qui, effrayé par le bruit de l’arme à feu, redoublait ses efforts pour rompre, au risque de s’étrangler, le lazo qui le retenait.

Cependant les premières lueurs du jour commençaient à percer des trouées lumineuses dans les interstices des arbres ; la clarté du foyer pâlissait petit à petit devant celle du soleil qui allait se montrer. La nature s’éveillait dans toute la splendeur qu’elle déploie au milieu des forêts tropicales.

« Arrêtons-nous ici, dit Pepe à Tiburcio, que nous appellerons désormais Fabian, quand, après une course précipitée, ils eurent atteint un fourré assez épais pour les cacher sans qu’ils perdissent eux-mêmes de vue l’étroit sentier qui conduisait au pont de Salto de Agua, je suis sûr que le coquin qui vise si mal va passer tout