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tendit, crut que ce n’était qu’une de ces modulations funèbres du vent des falaises.

Achevons ce triste récit. La malheureuse mère, toujours inanimée, fut déposée par son ravisseur dans le canot qui l’avait emmené. Dans son implacable ambition, don Antonio avait condamné doña Luisa ; un scrupule de conscience l’empêcha seul de tuer le jeune Fabian qu’il abandonna à la merci de la mer dans l’embarcation où l’un de ses matelots poignarda la comtesse. Don Antonio espérait bien, du reste, que la faim, le froid et l’orage se chargeraient du soin de faire disparaître le fils de son frère.

Accompagné de ses deux complices et arrivé en vue de son navire, tous trois se jetèrent à la nage, et une fois à bord, ils expliquèrent par la fable d’un naufrage l’abandon du canot qui ne portait plus qu’une femme morte et un pauvre enfant que le froid d’une nuit d’hiver devait tuer probablement.

Don Antonio revint au manoir paternel ; on connaît sa vie jusqu’au soir où peu s’en fallut que Cuchillo ne poignardât devant lui le jeune homme que Dieu avait conduit sur sa route. On vient de voir ce qui avait précédé la nouvelle tentative d’assassinat dont Tiburcio venait de manquer d’être victime dans la forêt voisine de l’hacienda.



CHAPITRE XXII

LE PONT DU TORRENT.


Tandis que Cuchillo épiait, au milieu du fourré dans lequel il s’était blotti, le moment favorable pour décharger sa carabine sur l’ennemi dont le seigneur espagnol lui payait le sang, celui-ci, impassible et actif