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et un des hommes que Pepe avait déjà vus entra dans l’appartement.

Le matelot examina froidement la scène qui se présentait à ses yeux en attendant les ordres qu’il allait recevoir :

« Jette ces paquets par la fenêtre ; Juan les recevra.

— Lesquels ? dit le matelot avec un rire grossier, en montrant le corps de la comtesse.

— Ceux-là, dit don Antonio.

— Avec votre permission, capitaine, dit José en faisant main basse sur un petit brasero en argent qui était au pied de la lampe.

— Fais, mon garçon, et surtout fais vite. »

Jamais ordre ne fut plus ponctuellement exécuté, car, en un clin d’œil, mille petits objets à l’usage des femmes disparurent dans la poche de sa jaquette, et les paquets faits par don Antonio furent rejoindre le compagnon qui l’attendait, et dont la voix monta jusqu’à lui avec ces mots :

« Eh ! José, part à nous deux !

— Allons, maintenant, dit don Antonio, voilà le plus difficile à enlever, t’en sentiras-tu la force ?

— Allons donc ! c’est pour rire, capitaine ! »

Et enlevant la comtesse, comme si c’eût été le corps d’un enfant, il la prit dans ses bras et se dirigea vers le balcon.

« Eh ! Juan ! cria-t-il, roidis l’échelle, je t’apporte du butin. » Et il disparut lentement sous le balcon.

Don Antonio le suivit emportant l’enfant que la terreur rendait muet.

Quelques minutes après, la lampe jeta une dernière et vive lueur sur les vêtements épars, sur le berceau en désordre, sur les armoires béantes et s’éteignit, puis au milieu du murmure lointain de l’Océan contre ses gigantesques digues, une rafale apporta en sifflant un bruit sourd comme un sanglot, comme un cri suprême de désespoir et d’angoisse ; et Pepe le Dormeur, qui l’en-