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Dieu, qu’elle invoqua, tout fut mis en œuvre par elle pour obtenir qu’on ne l’enlevât pas à son fils : mais larmes, prières, promesses, serments, tout fut inutile.

Un froid sourire répondit à ses prières.

La comtesse voulut tenter encore un dernier effort pour effrayer cet homme que la prière ne pouvait fléchir, et, la pâleur sur le front, les yeux animés d’un feu prophétique, elle s’avança vers lui :

« Prenez garde, dit-elle, qu’à défaut de la justice des hommes, dont vous vous raillez, cette justice d’en haut, que vous blasphémez, ne suscite à l’extrémité du monde, dans les déserts les plus reculés, où le pas de l’homme n’aura peut-être jamais été empreint, un accusateur, un juge et un bourreau.

— Le temps des miracles est passé, dit froidement don Antonio, et je suis sûr qu’il ne reviendra jamais. »

Puis il ajouta d’un geste d’impatience : « Voyons, finissons-en, cet enfant a dormi pour la dernière fois sous le toit de ses pères.

— Faites, ô mon Dieu ! qu’il n’en soit rien, » s’écria doña Luisa en adressant à Dieu la plus fervente prière qui se soit échappée d’un cœur maternel. Puis elle se précipita aux genoux de celui qui l’avait aimée en s’écriant :

« Oh ! Antonio, vous que j’ai connu si grand, si noble, si généreux, voudriez-vous vous souiller d’un crime ? Oh ! non, non, c’est pour m’effrayer ! n’est-ce pas ?

— Vous effrayer, reprit don Antonio avec un sourire sardonique, non vraiment ; car si j’ai été tout ce que vous dites, vive Dieu ! c’est un assez bon fonds de vertu pour pouvoir l’écorner un peu sans l’appauvrir. Mais, ajouta-t-il, le temps se passe et mes gens s’impatientent. »

À cette froide et cruelle raillerie, doña Luisa ne trouva plus de réponse. L’homme qui plaisantait avec le crime devait avoir un cœur qu’il était désormais inutile de chercher à attendrir.

Dès ce moment, et ce ne fut que de ce moment que la