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du satin encadraient la figure de doña Luisa. D’une beauté séduisante quand elle était calme, cette figure, en s’animant, se parait d’un charme irrésistible.

Des mains d’une blancheur éblouissante et d’une forme irréprochable, un pied mignon et délicat, une taille svelte et élégante, tout justifiait dans la jeune comtesse la passion que deux frères avaient conçue pour elle, car nous devons dire que le désir de ne pas laisser éteindre sa famille n’avait pas été le seul motif du mariage de don Juan de Mediana avec doña Luisa.

Après quelques instants de profonde méditation, la comtesse prit la lampe qu’elle déposa sur un guéridon de manière que la lueur qu’elle projetait éclairât les traits de son fils endormi dans son berceau.

Il dormait de ce sommeil profond, privilège de l’enfance, qui ressemblerait trop à la mort si l’on ne voyait pour ainsi dire la vie circuler avec le sang sous le léger tissu d’une peau fine et transparente. Elle considéra longtemps cette figure naïve, à moitié ensevelie dans des flots de cheveux châtain clair, qui promettent pour la jeunesse une belle chevelure noire, mais ses regards paraissaient se reposer avec plus de bonheur et de tendresse sur ses joues rosées et ses lèvres vermeilles.

On eût dit qu’elle essayait de lire sur ses traits l’avenir de son enfant ; effrayante étude dont doit frémir le cœur d’une mère à l’idée des luttes qu’aura plus tard à soutenir la frêle créature, objet de son amour ! La comtesse déposa un baiser passionné sur les joues de son fils, comme pour l’armer d’un charme préservatif, ou l’assurer que jamais du moins l’amour maternel ne lui ferait défaut.

Au-dessus du berceau s’élevait un des grands tableaux suspendus aux murs de la chambre. Les rayons de la lampe l’éclairaient alors en plein. Les deux personnages qu’il représentait appartenaient à la fin du dix-huitième siècle. Un jeune garçon de quinze ou seize ans, au regard fier, à la tournure distinguée, malgré cette décadence de race,