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Dormeur et l’inconnu, c’est-à-dire vers onze heures du soir, la comtesse de Mediana était, comme de coutume, dans sa chambre à coucher. C’était une vaste pièce dont les meubles, comme tous ceux du château, n’avaient pas été renouvelés depuis près d’un siècle, et qui présentait cet aspect sévère, commun aux mœurs d’alors et à la gravité du caractère espagnol d’aujourd’hui. Une lampe qui brûlait sur une table, dans un des angles de la muraille, n’éclairait vivement qu’une partie de l’appartement. Le reste était dans l’ombre, et dans cette demi-obscurité, on pouvait à peine discerner de grands portraits de famille, que les charbons ardents d’un brasero éclairaient par le bas d’une lueur rougeâtre.

Deux croisées donnaient de plain-pied sur un grand balcon qui n’était élevé au-dessus du sol que d’une vingtaine de pieds. À travers les vitres, on apercevait un ciel noir et la ligne blanchâtre que traçait la mer en se confondant avec le ciel.

Les yeux de la comtesse erraient sur cette triste perspective avec un air de méditation et de prière, puis se reportaient sur le berceau où reposait son enfant endormi.

Elle paraissait avoir vingt-trois ans à peine. Naturellement pâle, comme le sont en général les Andalouses, la comtesse était née à Grenade, elle semblait plus pâle encore sous le deuil sévère de veuve qu’elle portait.

Un léger pli perpendiculaire, qui commençait à se dessiner entre ses sourcils, annonçait un caractère réfléchi, tandis que sa bouche, d’une courbure gracieuse, promettait le plus doux sourire. Ses yeux noirs et veloutés confirmaient les promesses de sa bouche ; néanmoins sur son front fortement bombé, dans les lignes de son nez légèrement aquilin, il était facile de lire l’inflexibilité de la volonté et la violence des passions.

C’était là un des traits distinctifs que Tiburcio, ou plutôt Fabian, tenait de sa mère.

Deux bandeaux de cheveux d’ébène luisants comme