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chaloupe rencontrait une galiote hollandaise qui en recueillait les passagers.

C’est par eux qu’on a connu le dernier mot stoïque du stoïque voyageur. Moins d’une heure après avoir quitté l’Amazone, ils entendirent comme un roulement de tonnerre, et ils virent tout à coup l’Océan s’illuminer. Les flammes avaient pénétré dans le magasin à poudre. L’Amazone sautait.

Ainsi a fini, véritablement mort à la peine, et victime de sa passion aventureuse, celui qui avait échappé aux embûches des Indiens, à la férocité des fauves, aux atteintes de la soif, à la chaleur énervante du désert. Il a fini en héros, après avoir repoussé et laissé à un autre une chance de salut. Il a pris ce parti, comme il avait affronté tant de dangers, avec une tranquillité sereine. Âgé de quarante-deux ans, il aurait encore produit bien d’autres chefs-d’œuvre. Mais les huit volumes qu’il a écrits suffiront à sa gloire. En lui a disparu un des narrateurs les plus dramatiques, un des écrivains les plus purs de notre langue.


MARIUS TOPIN


(Extrait des Romanciers contemporains.)