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CHAPITRE XIX

LA RECONNAISSANCE.


Tiburcio se félicitait de ne pas se voir tout à fait trompé dans l’espoir que lui avait inspiré la rencontre fortuite des deux chasseurs, quand Bois-Rosé reprit la parole :

« Comme vous le voyez, dit-il, vous trouverez dans mon ami Pepe un homme prêt à se joindre à vous contre ce don Estévan, et c’est vous dire assez que je ne vous ferai pas défaut non plus, car ses ennemis sont les miens. Je suis donc, dans cette circonstance, heureux de pouvoir vous offrir le secours d’un bon rifle qui ne manque guère son coup, car, pour des raisons particulières, je n’aurais pas pu voir un jeune homme de votre âge menacé, comme vous l’avez été et le serez encore, sans un vif regret de ne pouvoir me mettre de son côté ; vous pouvez doublement compter sur moi, et vous verrez que le ciel vous a envoyé un ami qui en vaut bien un autre. »

Tout en parlant ainsi, le chasseur canadien semblait considérer avec attention la crosse de sa longue carabine, et, pour la première fois, Tiburcio s’aperçut qu’elle était marquée d’une foule de signes hiéroglyphiques bizarrement gravés avec la pointe d’un couteau.

« Ah ! reprit Bois-Rosé en surprenant le regard du jeune homme fixé sur ces entailles de diverses formes, vous comptez sans doute mes chevelures.

— Vos chevelures ! répéta d’un air étonné Tiburcio, qui n’était pas au courant des mœurs de l’étrange classe d’hommes à laquelle appartenait le chasseur.

— Sans doute, reprit le Canadien. Les Indiens, qui sont des païens, comptent le nombre de leurs victimes par le