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retournait fréquemment comme pour protester contre la décision de son ami.

« Ce don Estévan dont j’ai entendu parler, reprit le Canadien, est un homme d’assez haute taille, n’est-ce pas ? c’est le chef de la cavalcade dont hier encore vous faisiez partie ?

— Lui-méme, répondit Tiburcio.

— C’est donc le nom qu’il a pris ici ! interrompit la voix de Pepe, qui se leva sur son séant pour prendre part à la conversation.

— Est-ce que vous le connaîtriez par hasard ? demanda le jeune homme.

— Oui, oui, répliqua Pepe, c’est une ancienne connaissance à moi, avec laquelle j’ai un compte arriéré à régler, et c’est ce qui fait que vous m’avez trouvé dans ces parages. Si vous désirez en savoir plus long, et que, par hasard, il ne soit pas étranger au coup de couteau que vous avez reçu, je vous conterai cela plus tard, et je pourrai vous donner un bon coup de main ; mais il y a temps pour tout, et l’important à présent est de dormir pour être prêt à tout événement.

— Un instant, Pepe, un instant, dit le Canadien d’un air de bonne humeur. Il semblerait que vous avez à cœur de justifier votre surnom de dormeur. Écoutez-moi un instant. Ce jeune homme nous a offert de l’accompagner vers un placer d’or si riche qu’il n’y a qu’à se baisser pour en prendre.

— Demonio ! s’écria Pepe, vous avez accepté, je pense.

— Au contraire, j’ai refusé.

— Et vous avez eu tort, Bois-Rosé ; la chose mérite considération ; mais nous en reparlerons plus tard ; pour le moment, je vais, selon mon habitude, au plus pressé. »

En achevant ces mots, Pepe se recoucha, et le bruit de sa respiration ne tarda pas à annoncer qu’il s’était endormi.