Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou le donner même de mon vivant ; aujourd’hui, je n’ai plus personne à qui cet or pourrait profiter. Non, non, mon garçon, je vous remercie, mais je n’en veux point, ajouta le Canadien en appuyant sa figure sur ses deux larges mains, comme pour ôter de devant ses yeux le tableau séduisant qu’évoquait Tiburcio.

— Ce n’est pas votre dernier mot, sans doute, reprit Tiburcio quand il eut dominé sa surprise, un homme ne refuse pas ainsi des trésors quand il suffit de se courber pour les ramasser.

— C’est cependant une résolution irrévocable ; je me dois corps et âme à l’entreprise dans laquelle je dois aider mon compagnon, un compagnon de dix ans. »

Bois-Rosé ne se doutait pas que sa sévère loyauté rappelait ces nobles chevaliers des anciens temps, où nul d’entre eux n’aurait levé la lance pour conquérir les trésors de l’Inde, s’il avait engagé dans une autre querelle et sa lance et son honneur.

« Je sens, mon garçon, que je vous afflige par ce refus, ajouta le Canadien à la vue du nuage de tristesse qui voila subitement le front de Tiburcio.

— Écoutez, mon brave chasseur, reprit le jeune homme, je ne puis vous dissimuler que votre refus renverse toutes mes espérances ; mais croyez bien que ce n’est pas pour moi que je regrette les trésors que nous allons laisser à d’autres…

— Je vous crois, répondit Bois-Rosé, un front comme le vôtre est rarement l’indice de la cupidité. Mais je ne refuse pas précisément de vous être utile. J’ai quelques raisons de croire que Pepe, que voici, a aussi à se plaindre de l’un de ces trois hommes, et que nous pourrons faire cause commune avec vous, soit dans vos amours, soit dans vos haines. »

Pendant cette conversation, les mots de trésors, souvent prononcés, semblèrent, au défaut de Bois-Rosé, exercer leur magique influence sur Pepe, car celui-ci se