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En disant ces mots, Pepe prit le lazo qui était attaché à sa selle, et se dirigea vers l’endroit où il pourrait surprendre un cheval. Bois-Rosé resta seul. Il considéra de nouveau le jeune homme endormi près du foyer, y jeta des branches sèches qui répandirent une vive lueur ; puis, se couchant à côté de lui, il ne tarda pas à s’endormir également.

La brise du soir agitait le feuillage sonore au-dessus de la tête de ces hommes qui venaient de se rencontrer d’une manière si providentielle et ne soupçonnaient pas que vingt ans auparavant ils avaient dormi longtemps côte à côte, bercés alors au bruit de l’Océan comme ils l’étaient ce soir-là au murmure des arbres de la forêt.



CHAPITRE XVIII

FABIAN ET BOIS-ROSÉ.


Lorsque, après avoir laissé s’écouler l’espace de temps fixé par sa volonté, il plaît à la justice d’en haut d’ouvrir enfin ses solennelles assises, ce n’est pas seulement d’une extrémité d’un pays à l’autre qu’on voit accourir, à l’endroit désigné par les juges, les coupables et les témoins ; c’est des points opposés du globe, des contrées les plus reculées, qu’obéissant à la main invisible qui les pousse, accusateurs, témoins, juges et coupables viennent se réunir sur un terrain commun.

La justice de Dieu ne connaît pas de prescription au crime, et vingt ans passés depuis l’assassinat de la comtesse de Mediana ne l’avaient pas désarmée ; seulement, le temps n’était pas venu où l’arrêt devait s’accomplir ; ce temps approchait maintenant.

Des fils longtemps brisés allaient se renouer, des per-