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ler la réalité au romanesque, de faire succéder des scènes imaginaires à des tableaux d histoire que l’on croirait empruntés aux temps antiques. Ici la corde patriotique vibre avec puissance. L’auteur s’est identifié avec ses héros, et par la chaleur de son récit, par l’éclat de la forme, il a montré une fois de plus qu’il n’est pas pour les combattants de plus sainte cause et pour l’écrivain de plus heureux sujet que la cause d’un peuple luttant pour son indépendance et sa liberté.

Mais ni les joies légitimes du succès rapide obtenu à Paris par le romancier, ni les affections de famille bien douces pour lui à en juger par la piété filiale qu’a conservée son fils, M. Ferry de Bellemare, ni les satisfactions d’un travail paisible autant que fructueux, ne purent longtemps retenir en France le hardi voyageur. Il avait la nostalgie du désert. Il avait cette soif de l’inconnu qui est à la fois la force et la maladie de certaines natures aventureuses. Comme le marin qui aspire sur terre à courir sur mer des dangers nouveaux, Ferry soupirait après cette vie de privations, de découvertes, de périls, de surprises qu’il avait trop aimée pour y renoncer définitivement.

Le 2 janvier 1852, il s’embarque à Southampton à bord de l’Amazone, se rendant à San-Francisco. Deux jours après, dans la nuit du 3 au 4 janvier, et lorsque le bâtiment est à peine à vingt lieues des îles Sorlingues, la cloche d’alarme