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Bois-Rosé et tendit la main à Tiburcio, qui lui avança sa main gauche. Le Canadien suspendit ses fonctions gastronomiques pour venir examiner la blessure de son nouvel hôte, ce qu’il fit avec une adresse rare et un intérêt presque tendre, malgré la rudesse de sa physionomie.

« Diable ! dit-il, vous avez eu affaire à un gaillard qui n’y allait pas de main morte ; quelques pouces à côté auraient terminé vos aventures ; mais, mon garçon, ce ne sera rien, rassurez-vous, ajouta-t-il en décollant les vêtements attachés sur la blessure, après les avoir imbibés d’eau : une compresse d’herbes pilées par là-dessus, et il n’y paraîtra plus. Pepe, voyez donc à vous procurer par là une poignée d’orégano, que vous écraserez entre deux pierres et que vous me donnerez. »

Pepe revint bientôt avec un paquet de cette herbe, dont les vertus sont si connues dans tout le pays, et exécuta soigneusement les ordres de Bois-Rosé. Celui-ci appliqua cette espèce d’emplâtre sur la blessure qu’il banda avec la ceinture de crêpe de Chine de Tiburcio.

« Vous devez vous sentir déjà soulagé, dit-il, car il n’est rien comme l’orégano pour empêcher les blessures de s’enflammer, et vous ne sentirez même pas la moindre fièvre. Maintenant, mon garçon, si le cœur vous en dit, j’ai à votre service une tranche de mouton rôti et un coup d’eau-de-vie, après quoi vous ferez bien de vous étendre auprès du feu et de faire un somme, car la fatigue paraît vous accabler.

— En effet, reprit Tiburcio, il m’est arrivé tant d’événements coup sur coup depuis quarante-huit heures, qu’il me semble avoir vécu un siècle, et en ce moment tout me paraît tourner autour de moi ; quant à manger à présent, je vous en rends grâces : le sommeil me rendra les forces dont j’ai besoin dans la conjoncture critique où je me trouve. Je ne réclamerai plus de vous qu’un service, ce sera de ne pas me laisser dormir trop longtemps.

— Bien, bien ! dit Pepe à son tour, je ne vous demande