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tendre pour la première fois, annonce qu’il est fatigué ou peut-être malade.

— Eh bien ! soyez le bienvenu au feu et à la gamelle, reprit l’Espagnol ; » et en même temps Tiburcio montra sa figure pâlie par l’émotion des dernières scènes qui venaient d’avoir lieu et aussi par le sang qu’il avait perdu.

Ses traits, quoique déjà connus des deux chasseurs, semblèrent cependant frapper le carabinier, qui fit un geste imperceptible de surprise, tandis que la physionomie du Canadien n’exprimait que cette bienveillance naturelle de la vieillesse pour la jeunesse.

« Êtes-vous égaré loin des cavaliers dont vous faisiez partie ? demanda Pepe à Tiburcio, qui se laissa tomber plutôt qu’il ne s’assit sur le gazon, et ne savez-vous pas qu’à un quart d’heure de chemin d’ici vous auriez pu trouver une hospitalité plus complète que la nôtre ? Je ne connais pas le maître de la maison là-bas, mais je ne pense pas qu’il vous l’eût refusée ; ou plutôt ne venez-vous pas à présent même de l’hacienda ?

— J’en viens, répondit Tiburcio. Je n’ai pas à reprocher à don Augustin de m’avoir refusé l’hospitalité ; mais son toit abrite des hôtes avec qui ma sûreté m’empêche désormais d’habiter.

— Oui-da ! reprit Pepe d’un air de défiance, car cette analogie avec ses propres pensées lui semblait trop précise pour ne pas cacher un piège. Se passe-t-il donc des choses extraordinaires là-bas ? »

Tiburcio écarta son zarape et montra son bras droit ; la manche dont il était couvert, déchirée par le couteau de Cuchillo, était teinte de sang. Cette vue dissipa complètement les soupçons de Pepe.

« Touchez là, dit-il avec plus d’abandon qu’il ne croyait en montrer ; si ce que je soupçonne du traitement que vous avez éprouvé à l’hacienda est vrai, nous pourrons, je pense, nous entendre. »

En disant ces mots, il jeta un regard d’intelligence à