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indienne. Au lieu de mocassins, des souliers ferrés, d’une force à résister à deux ans de marche, complétaient l’ensemble de son costume.

Une corne de buffle soigneusement grattée était passée en sautoir sur ses épaules et contenait sa poudre, tandis qu’un sac en cuir, qui faisait pendant à la poudrière, renfermait une abondante provision de balles de plomb. Enfin, une carabine ou rifle à long canon, déposée près de lui, un couteau de chasse passé dans un baudrier ou plutôt dans une ceinture de laine de diverses nuances, composaient son équipement de campagne.

À son accoutrement, ainsi qu’à sa taille gigantesque, on pouvait reconnaître en lui un de ces hardis chasseurs, descendants des premiers Normands du Canada, qu’il est plus rare de jour en jour de rencontrer sur ces frontières et dont il a été dit un mot au début de ce récit.

Ses cheveux commençaient à grisonner fortement, et une large cicatrice, qui faisait tout le tour de sa tête en passant par les tempes, indiquait que, s’il conservait encore sa chevelure, ce n’était pas sans qu’il eût couru grand risque de se la voir enlever.

Ses traits hâlés paraissaient être taillés dans le bronze, tant la lueur du feu d’une part, et l’obscurité de la nuit de l’autre, leur prodiguaient de reflets ardents et d’ombres dures et tranchées. Au demeurant, sa figure avait un air de bonté conforme à la vigueur herculéenne de ses membres, car la nature a la prévoyance de donner en général à ses colosses autant de mansuétude que de vigueur.

Son compagnon paraissait avoir quarante-cinq ans, c’est-à-dire cinq ou six ans de moins que le Canadien ; mais sa figure n’annonçait pas, à beaucoup près, une sérénité semblable à celle qui naît d’une force irrésistible.

Ses yeux noirs avaient une expression d’audace et presque d’effronterie ; ses traits mobiles indiquaient des passions violentes qui, une fois mises enjeu, pouvaient aller jusqu’à la cruauté. Tout en lui décelait l’homme d’une