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« Vous allez mettre pied à terre ici, reprit le bandit, vous conduirez vos chevaux par la bride jusqu’à ce que vous puissiez distinguer, à la clarté du foyer, quels sont les hommes qui reposent auprès, et, quand j’aurai lâché mon coup de carabine, je me replierai sur vous.

— C’est entendu, répondit Oroche, nous sommes tout disposés, Baraja et moi, à sacrifier, comme nous l’avons promis, l’intérêt particulier à l’intérêt général. »

Cuchillo fit ainsi qu’il l’avait recommandé à ses complices. Il attacha son cheval au tronc d’un sumac, et s’avança en rampant comme un jaguar vers le foyer de lumière.

Il prêta l’oreille ; quelques mugissements saccadés des bestiaux errants dans la savane voisine, le chant aigu du coq, les cris lugubres d’une chouette perchée non loin de là et le vagissement plaintif des chacals se mêlaient à la voix lointaine du Salto de Agua.

La lune éclairait la forêt en dessus, le cercle de lumière grandissait à ses yeux en dessous de la voûte des arbres. Cuchillo, toujours en rampant, s’avança sous les arches compliquées formées par les racines d’un palétuvier. Là il s’arrêta, regarda, écouta de nouveau, puis un sourire de joie farouche vint effleurer ses lèvres à l’aspect de trois hommes, dont deux étaient assis et l’autre couché autour du feu.



CHAPITRE XVII

LE COUREUR DES BOIS.


La partie de la plaine qui s’étendait derrière l’hacienda était encore telle que les fondateurs l’avaient trouvée, c’est-à-dire inculte et sauvage.