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« Nous avons trouvé les traces du jeune homme, dit-il, il s’est dirigé vers la forêt là-bas. »

Puis, après qu’ils eurent tourné l’hacienda derrière le mur de clôture par la brèche duquel Tiburcio l’avait quittée :

« Vous voyez, reprit le bandit, ce feu qui brille à travers les arbres ; nul doute qu’il n’ait été chercher un asile près de là. »

La lumière mystérieuse brillait toujours, en effet, comme lorsque Tiburcio l’avait aperçue dans cette nuit.

« Nous allons faire la chasse au poulain sauvage, continua Cuchillo avec un odieux sourire, cela vaudra bien la chasse que nous avait promise don Augustin, et voilà les trois chasseurs. »

Cuchillo montrait du bout de sa cravache, lui d’abord, puis Oroche et Baraja.

« Ils ont épousé notre querelle, continua le bandit.

— Sans rien savoir ? dit don Estévan.

— Comme des limiers épousent la cause du chasseur contre le cerf, en suivant leur instinct ; et ceux-ci ont des dents formidables. »

La lune éclairait la carabine suspendue à l’arçon de chacun des deux cavaliers en question.

« Mais ces gens sont ivres, s’écria don Estévan qui surprit cette fois les deux cavaliers vacillant sur leur selle. Sont-ce là les auxiliaires dont vous disposez ? »

Et l’Espagnol lança à Cuchillo un regard de colère.

« C’est notre ardeur qui nous emporte, » balbutia Baraja.

Oroche, plus prudent, se redressa fièrement et ne dit plus un mot.

« Ces gens ne sont pas précisément à jeun, reprit Cuchillo ; mais je connais un remède efficace contre l’ivresse. Si je ne me trompe, les bois où nous conduit la trace que nous suivons abondent en jocuistle, et vous verrez tout à l’heure Baraja et Oroche aussi d’aplomb que vous et moi sur leurs chevaux. Soyez sans crainte. »