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— Lui, un ennemi ! reprit l’hacendero, c’est impossible. La loyauté, le courage sont peints sur sa figure, et le portrait que vous faites là est celui d’un traître et d’un fementido[1].

— Il connaît la situation du val d’Or ! Il aime votre fille !

— N’est-ce que cela ? Je vous l’ai appris moi-même !

— Oui ; mais votre fille l’aime, et voilà ce que vous ne savez pas. »

Et il instruisit l’hacendero des événements de la soirée, sans lui rien cacher.

« Tant pis pour le sénateur, reprit Pena.

— Pensez à votre foi que vous avez engagée non pas à moi seul, non pas à Tragaduros seul non plus, mais à un prince du sang royal d’Espagne dont je représente ici les plus chers intérêts, et du front duquel cet incident tout simple en apparence, le caprice d’une petite fille, peut arracher la couronne ! Songez à votre pays qui attend sa régénération, sa gloire, sa puissance future de l’alliance dont votre parole est le gage…

— Qu’importent auprès de ma parole toutes ces considérations ? N’avez-vous pas cette parole ? Je ne la rétracte jamais ; mais c’est au duc de l’Armada seul que je l’ai donnée, et c’est lui seul qui pourra m’en dégager. Êtes-vous satisfait de cette assurance ?

— Comment ne le serais-je pas ? s’écria le noble Espagnol en tendant la main à l’hacendero. Soit, je garde votre parole, et je me charge du reste. Mais ce jeune homme peut trouver des auxiliaires, marcher avant nous à la conquête du val d’Or ; il faut donc partir tout de suite pour Tubac et le prévenir ; voilà pourquoi je vous quitte si précipitamment.

— Quoi qu’il arrive, Rosarita sera la femme du sénateur. Adieu donc, et puissiez-vous revenir bientôt ! »

  1. Violateur de sa foi et de sa parole.