Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces déserts sont si dangereux, et vous savez le proverbe sur les absents.

— Je serai irrésistible, s’écria Tragaduros, car depuis hier je me sens enflammé de mille feux pour cette divine fille qui semble descendre du ciel ; c’est au point que si l’on voulait me donner la dot sans la fille, je crois que je l’accepterais… c’est-à-dire, c’est le contraire que j’entends, acheva le sénateur en se reprenant.

— Jamais homme n’a visé à un but plus désirable que cette immense dot et cette belle fleur de déserts ; n’omettez donc nul moyen pour arriver à vos fins.

— Je filerai, s’il faut, pour elle, comme Hercule aux pieds d’Omphale.

— Si Hercule avait quelque mérite, comme fileur, aux yeux d’Omphale, c’est qu’il était Hercule, et vous ne l’êtes pas, que je sache. Faites mieux : demain, dans cette chasse au cheval sauvage, signalez-vous par quelque audacieux exploit : montez, pour l’honneur des beaux yeux de doña Rosarita, un cheval indompté, que vous ramènerez haletant, soumis à ses pieds !

— Je ne dis pas non… je ne dis pas non, répliqua le sénateur, moins enthousiaste de ce second moyen de se faire aimer que de celui que ses souvenirs classiques lui avaient rappelé ; mais il me manque les moyens nécessaires pour serrer de près la place, il me manque cette clef d’or des coffres-forts qui, comme dit un philosophe, est aussi celle des cœurs.

— J’y pourvoirai, répondit l’Espagnol. Je vous ouvrirai un large crédit sur Pena ; il faut que cette séduction-là ne vous manque pas. Mais vous vous rappellerez nos conventions en cas de réussite ?

— Cinq cent mille francs jetés en prodigalités de toutes sortes, en menées politiques. Oh ! s’il m’était aussi facile de conquérir la dot que de la manger ! »

Le sénateur poussa un soupir, puis don Estévan, après lui avoir donné des conseils et des instructions, lui ayant