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clarté lointaine brillait toujours comme un phare au centre du rideau de feuillage. Tout à coup elle sembla, aux yeux de la jeune fille, devenir plus resplendissante, comme pour offrir un accueil de bienvenue à celui qui n’avait plus d’asile.



CHAPITRE XV

LE DÉPART DE NUIT.


Lorsque don Estévan et Cuchillo se furent éloignés du pavillon qu’occupait doña Rosario en la laissant seule avec Tiburcio, le premier garda le silence sans paraître s’apercevoir de la présence de son compagnon, qui cependant ne l’avait pas quitté. Ils avaient regagné l’allée des grenadiers, et l’Espagnol n’avait pas encore daigné lui adresser un reproche, quoiqu’il ne fût pas dans sa nature impétueuse de se contenir longtemps ; mais il était absorbé dans de profondes réflexions.

Plus instruits que Tiburcio des mystères du cœur féminin, il avait deviné, sur la fin du dialogue amoureux qu’il avait entendu, qu’un tendre sentiment pour ce jeune homme germait dans l’âme de doña Rosario, sans qu’elle s’en rendît trop compte elle-même. Les inflexions de voix de la jeune fille, ses gestes, jusqu’au silence qu’elle avait parfois gardé, tout était pour lui la preuve d’un amour naissant qui s’ignorait encore.

Il avait dédaigné, comme une chose d’importance secondaire, la révélation faite à Tiburcio, au sujet du val d’Or ; mais Tiburcio, aimé de doña Rosarita, offrait à son ambition un obstacle insurmontable. Le mariage du sénateur, le demi-million que celui-ci devait sacrifier sur la dot de sa femme à la réussite de ses projets, les avan-