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CHAPITRE XIII

L’AMOUR DERRIÈRE LES GRILLES.


Au moment où le plus profond silence succédait au bruit du jour, où la brise de nuit fraîche et parfumée, murmurait à peine dans le vaste jardin de l’hacienda, il n’y avait pas à se méprendre sur les voix qu’on entendait.

Tel était le calme de l’atmosphère que, bien loin de là, dans la forêt derrière l’habitation de don Augustin, les notes retentissantes du cuitlacoche sauvage, qui se balance la nuit sur les lianes au-dessus des cascades, arrivaient jusqu’aux oreilles des promeneurs nocturnes.

« C’est la voix de Tiburcio et celle de doña Rosario ! dit le bandit.

— Tenez, Cuchillo, voici déjà, ce me semble, un commencement de preuve. »

Une réflexion vint à l’Espagnol comme un coup de foudre.

« Et si cette jeune fille l’aimait, par hasard, se dit-il ; il faudrait donc renoncer à un mariage, dont j’ai fait la pierre angulaire d’un vaste édifice politique ! »

Bien que don Estévan fût le seul qui n’ignorât pas la condition et le nom véritable de Tiburcio, et qu’à ses yeux le dernier des Mediana ne fût pas indigne de la fille de l’hacendero, cependant il n’avait pu supposer un seul instant que doña Rosario pût répondre à l’amour d’un jeune homme qui, à ses propres yeux comme à ceux des autres, n’était qu’un enfant sans nom et sans famille.

L’idée que néanmoins la fille de don Augustin ne voyait pas de trop mauvais œil l’audace de ce jeune rustre déguenillé, comme il l’appelait, le frappa tout à coup quand il