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— Rien, reprit Cuchillo.

— Rien ! répéta l’Espagnol.

— C’est-à-dire que le jeune homme ne pouvait rien m’apprendre, ne sachant rien lui-même. Son cœur n’a pas de secrets pour moi.

— Quoi ! il ne soupçonne pas l’existence du val d’Or ?

— Pas plus que l’emplacement du paradis terrestre, répondit impudemment Cuchillo. — Et que vient-il faire à l’hacienda, car il était sur la route qui y conduit, et il s’y dirigeait sans doute dans un but quelconque ?

— Il vient y demander du service à don Augustin, la moindre chose, un emploi de pâtre.

— On voit, en effet, que vous avez pénétré bien avant dans ses confidences.

— Je m’en flatte, ma perspicacité…

— Est à la hauteur de votre conscience, » dit l’Espagnol gravement.

Cuchillo s’inclina à tout hasard.

« Et, reprit Arechiza, dans une longue route comme celle que vous avez faite ensemble, quand on inspire autant de confiance que ce jeune homme vous en a témoigné si… spontanément, on cause de mille choses indifférentes ou sérieuses, d’affaires de cœur, par exemple. Eh bien ! ne vous a-t-il pas confié d’autres projets, quelque amour de jeunesse ?

— Et de qui diable serait-il devenu amoureux dans ces déserts ? Ce pauvre Tiburcio met un cheval bien au-dessus de la plus jolie femme.

— Ah ! dit l’Espagnol, sans contenir plus longtemps un sourire moqueur qui donna le frisson à Cuchillo. Eh bien ! votre jeunesse promettait mieux, ami Cuchillo.

— Est-ce que je baisserais, par hasard ? demanda le bandit confus de ce reproche.

— Je le crains, et si, ce dont Dieu vous préserve, votre conscience est aussi calleuse que votre perspicacité est