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puissantes de la vie primitive et sauvage. On se surprend à vivre au milieu de périls continuels et à y être insensible, à marcher au milieu des bois, toujours attentif et vigilant, à s’étendre à l’abri d’un arbre sans savoir si l’on se réveillera, à respirer plus à l’aise au milieu de ce parfum enivrant des vastes solitudes dont on fait sa nouvelle patrie. Brossette a dit des Mémoires du cardinal de Retz qu’ils rendent séditieux par contagion. On peut dire du Coureur des bois qu’il rend aventurier par contagion. On termine cette lecture sous l’impression de la réalité et comme si l’on revenait d’un lointain voyage.

Gabriel Ferry n’a pas seulement l’émotion communicative du voyageur qui a vu et bien vu. Il a reçu en partage les dons qui font les grands écrivains. Une seule page (mais quelle page !) suffira à le démontrer. Elle est extraite des Scènes de la vie sauvage[1], et offre la description de cet admirable désert américain qui commence à une petite distance de Tubac, au delà de la rivière de San-Pedro, et qui, n’ayant pas la désolante aridité, la morne sécheresse du désert africain, a mérité le nom de prairie, lequel convient bien mieux à sa luxuriante végétation :


« Les prairies qui se terminent au San-Pedro, du côté de Tubac, n’ont pour bornes, dans la direction opposée, que

  1. Chez Charpentier.