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de vous le plus riche propriétaire du nouveau royaume. Si je me suis trompé, si vous n’êtes pas cet homme que je cherche, si le péril vous effraye, peut-être trouverai-je quelqu’un à votre place qui se rira d’un danger que doit payer une immense fortune.

— Voyons donc, répliqua le sénateur après avoir fait quelques pas dans la chambre pour calmer son agitation, ce que vous attendez de moi et sur quelles ressources vous pouvez compter.

— Il y a dix ans, j’ai combattu l’indépendance de votre pays dans ces provinces. J’en connais les ressources, les richesses incalculables, et quand je les quittai, un secret pressentiment m’avertissait que j’y reviendrais encore.

« Le hasard m’avait fait rencontrer don Augustin, alors occupé à se créer la magnifique opulence dont il jouit aujourd’hui. Je pus lui rendre un service signalé en préservant sa maison du pillage, en sauvant même sa vie, car il n’avait pas assez caché sa sympathie pour la cause espagnole. J’entretenais avec lui des relations secrètes. Je savais que la Sonora, mécontente, tentait aussi de secouer le joug de la république fédérale. Je fis goûter au prince déshérité la hardiesse de mon projet, et je vins ici. Don Augustin fut un des premiers à qui je m’ouvris. Son ambition fut flattée des promesses que je lui prodiguai au nom de mon maître, et il se mit tout entier à ma disposition.

« Malgré les grandes ressources pécuniaires dont je puis disposer, je cherchai à les augmenter encore : le hasard me seconda. J’avais connu, à l’époque où je combattais dans cet État, un jeune drôle qui trahissait tour à tour les Espagnols et les insurgés ; ce jeune homme s’appelle aujourd’hui Cuchillo. Mes relations avec lui furent d’une autre espèce.

« Je m’aperçus qu’il conduisait le régiment que je commandais dans une embuscade d’insurgés ; j’ordonnai de le pendre au premier arbre que nous rencontrerions. Heu-