Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rut un moment soucieuse, et il ne put s’empêcher d’ajouter :

« Je l’avais également remarqué. Un ressemblance singulière a rouvert chez moi la source de bien des douleurs… mais ne pensons plus à des craintes chimériques, et laissez-moi vous expliquer plus catégoriquement que je ne l’ai fait jusqu’à présent le but où je tends, nos moyens d’action, ce que j’attends de vous dans la voie où vous vous engagez, et les faveurs qu’une main auguste et puissante, en s’ouvrant, peut répandre sur vous.

« Vous ne voyez encore, sans doute, seigneur Tragaduros, ni sur quels secours je puis compter, ni quel royaume je veux conquérir ?

— Je l’avoue, répondit Tragaduros.

— La province que je veux transformer en un royaume pour mon maître et votre futur souverain, c’est la Sonora.

— Quoi ! c’est notre État républicain que vous voulez convertir en monarchie ! s’écria le sénateur ; mais tenter un pareil effort, c’est jouer sa vie.

— Je le sais ; mais ne m’avez-vous pas dit tout à l’heure : « Ma vie, mon cœur vous appartiennent ? » et c’est le prix de cet enjeu que je veux vous payer par votre union avec la fille de don Augustin et la fortune qui sera votre partage. Lorsque je vous disais tout à l’heure qu’il ne tiendrait qu’à vous de rendre votre étoile pâlie plus radieuse qu’elle n’a jamais été, vous imaginez-vous que le seul effort à faire était d’accepter une jeune et jolie femme avec une immense dot, et des espérances incalculables ?

— Non, sans doute, répondit Tragaduros avec hésitation. Cependant…

— Je vous l’ai dit, je cherche un homme fort, qui préfère une mort prompte et glorieuse peut-être, avec la perspective des honneurs et des richesses, à l’agonie lente d’une vie sans richesses et sans honneurs. C’est donc à la condition de pouvoir compter sur votre courage, sur vos efforts pour arriver à atteindre notre but, que je veux faire