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les minutes jusqu’au retour de don Estévan dans la chambre réservée de celui-ci.

La chambre destinée au seigneur don Estévan de Arechiza était sans contredit la plus riche de l’hacienda, et cependant le luxe mobilière a fait si peu de progrès dans l’État de Sonora, que cette richesse approchait du dénûment.

C’est là que nous retrouvons l’Espagnol et Tragaduros. Assis sur un sofa de paille, don Estévan suivait de l’œil le sénateur, qui allait et venait dans la chambre, en proie à une vive émotion.

« Eh bien ! que vous semble de la fille de notre hôte, seigneur don Vicente, dit Arechiza qui semblait se faire un jeu de l’impatience de son protégé ; vous avais-je exagéré sa beauté ?

— Oh ! mon ami ! s’écria le sénateur avec toute la vivacité de la pantomime méridionale, la réalité est au-dessus de l’imagination, c’est un ange ! Dans notre pays, si renommé pour la beauté de ses femmes, doña Rosarita est certes la plus belle.

— Et la plus riche, ajouta l’Espagnol en souriant.

— Qui eût pu deviner qu’au fond de ce désert se cachât une beauté si accomplie ! Tant de fraîcheur, de charmes, de jeunesse sont faits pour briller sur le plus noble théâtre.

— À la cour d’un roi, par exemple, dit négligemment Arechiza.

— Oh ! seigneur don Estévan, s’écria le sénateur, ne me tenez pas davantage en suspens ; la divine, la riche doña Rosarita doit-elle être ma femme ?

— Un mot de moi, une promesse de vous feront l’affaire. J’ai la parole du père. Dans quinze jours, vous pouvez être l’époux de sa fille.

— C’est aussi doux que facile.

— Plus tard vous serez riche.

— Cela ne gâte rien.

— Plus tard, vous serez grand seigneur.