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tout rustre l’étoffe d’un gentilhomme, à plus forte raison dans la personne d’un sénateur de l’illustre congrès d’Arispe, ajouta l’Espagnol avec une légère nuance de dédain. Mais l’obstacle n’est pas là ; l’important est que votre fille trouve l’épouseur à son gré.

— Ma fille n’agira que d’après mes volontés, dit l’hacendero.

— Quand même son cœur ne serait pas libre ?

— Le cœur de Rosarita est libre, seigneur don Estévan, repartit don Augustin. Comment en serait-il autrement ? son enfance et sa jeunesse se sont écoulées au fond de nos solitudes.

— Et ce jeune homme en haillons, ce Tiburcio Arellanos que vous semblez déjà connaître, reprit don Estévan, il aime votre fille.

— Je le sais depuis ce matin.

— S’il n’y a que quelques heures que vous avez appris le secret de son amour, celui de doña Rosario ne peut-il vous avoir échappé ?

— Il est vrai, répondit don Augustin en souriant, que je saurais mieux suivre la trace d’un Indien, lire sur son visage astucieux ses plus secrètes pensées, que déchiffrer le fond du cœur d’une jeune fille : mais, je le répète, j’ai lieu de croire que celui de Rosario est libre de toute affection passée. Il y a un obstacle plus sérieux, seigneur don Estévan, je ne dis pas à l’union projetée entre nous, mais à l’expédition que vous allez guider au fond du désert. »

L’hacendero fit part à don Estévan des particularités que lui avait confiées le moine franciscain sur le secret d’un immense placer laissé au jeune Tiburcio.

Toutefois, nous nous taisons pour le moment sur l’impression que causa cette confidence à l’Espagnol.

La conversation continua longtemps encore entre l’hacendero et lui. Que se dirent-ils, c’est ce que nous saurons plus tard. En attendant, il est nécessaire d’aller rejoindre le sénateur, qui, le cœur plein d’anxiété, compte