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— Que dois-je donc faire, seigneur Arechiza ?

— Je vous le dirai ce soir, et peut-être le moment est-il moins éloigné que vous ne le pensez, où vous serez le maître futur de cette hacienda, par une union avec la charmante fille qui en sera l’héritière. Allez m’attendre dans ma chambre ; la conversation que je vais avoir avec don Augustin sera décisive, et je m’empresserai de vous en faire part. »

En disant ces mots, l’Espagnol congédia le sénateur, dont le cœur battait à la fois d’espoir et de crainte ; puis il fut rejoindre l’hacendero, qui l’attendait de son côté.

Le propriétaire de l’hacienda del Venado avait, nous l’avons dit, fait à l’Espagnol la réception la plus distinguée. Il y avait toutefois dans son accueil devant témoins, quelque chose de moins respectueux que quand il se vit tête à tête avec lui. De son côté, don Estévan parut recevoir les hommages de don Augustin comme une chose qui lui était due. Il y avait dans la condescendance polie du seigneur Arechiza envers le riche propriétaire, et dans la déférence pleine de respect de celui-ci, quelque ressemblance avec les rapports entre un haut et puissant seigneur suzerain et un noble vassal.

Ce ne fut que sur les instances réitérées, nous avons presque dit les ordres de l’Espagnol, que don Augustin consentit à s’asseoir, tandis que le premier s’était jeté sur un fauteuil en cuir avec un laisser aller d’accord toutefois avec le grand air de sa personne.

L’hacendero attendit en silence que don Estévan prît la parole.

« Que vous semble de votre gendre futur, dit l’Espagnol, car vous ne l’aviez jamais vu, je pense ?

— Jamais ! répondit don Augustin ; mais eût-il encore été moins favorisé de la nature qu’il ne l’est, vous savez qu’entre nous ce n’eût pas été un obstacle à nos projets.

— Je le sais ; car il faut le reconnaître, il y a dans