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des bois, a-t-il pu devenir l’émule de Cooper. C’est que ce genre ne s’imite pas ; il exige impérieusement l’expérience des objets qu’il montre, une vue exacte et fidèle des grands tableaux de la nature. Cooper a de plus que l’écrivain français le sentiment patriotique, le vif amour du pays ; il aspire avant tout à célébrer une cause qu’il chérit, celle de l’indépendance américaine ; il se sent emporté par un idéal de liberté individuelle, et les souvenirs glorieux de Washington font vraiment étinceler les pages du Corsaire rouge. Ferry n’eut pas à faire vibrer cette corde. L’un et l’autre excellent à peindre en traits ineffaçables des mœurs inconnues avant eux à l’Europe et que l’Amérique elle-même, qui les voit chaque jour disparaître, ne connaîtra bientôt plus que par leurs romans. L’un et l’autre ont vécu et rêvé au sein de spectacles sublimes ; ils se sont baignés dans l’immensité des bois : tour à tour ils ont pénétré dans les forêts vierges, ont vu les prairies sans limites, ont contemplé un ciel qui nulle part n’apparaît plus étendu. Leur œuvre à tous deux est l’épopée du désert.

Mais si, en plus que Ferry, Cooper a eu à retracer les luttes du droit et de la liberté contre la force et le despotisme, le romancier américain lui est inférieur par la création de l’intrigue. On sent l’effort, quelquefois inefficace, toujours laborieux, d’un esprit moins souple qu’élevé, et les succès incontestés de l’émouvant narrateur sont dus